Trail&CO

samedi 1 août 2015

Tavignanu Trail 2015 : récit d'une... presque demande en mariage !

Quel titre étrange pour un récit de course. Et pourtant... ni jeu de mots, ni métaphore. Une aventure pleine d'émotion, de déception, de souffrance, d'émerveillement, d'introspection, de dépassement de soi, d'inquiétude, de respect et d'amour. Voici le récit de ma course, telle que je l'ai vécue.

Décembre 2014. C'est mon anniversaire et noël. Chouette, la période des cadeaux ! Mon très cher et tendre a fait fort cette année, et parmi les miens, une annonce de course et deux inscriptions. Tavignanu Trail 2015 - Inscription 2 personnes validée ! 6 mois pour s'entraîner, et 33km/2500mD+ pour franchir la ligne d'arrivée. Ok, alors c'est parti !

La Préparation
Après l'opération, je n'ai pu reprendre la course à pied qu'en mars, et un entraînement sérieux fin avril, me laissant ainsi parfaitement le temps d'intégrer un plan d'entraînement sur 8 semaines, à raison de 3 à 4 séances par semaine. Les 4 premières semaines se passent vraiment bien. L'endurance revient petit à petit, et le travail en côte commence à payer.

La suite du plan ne se passe pas tout à fait comme j'aurais voulu. Des ennuis de santé. Encore. Les 4 dernières semaines du plan d'entraînement tombent à l'eau, et les séances sont remplacées par de la randonnée. Je n'abandonne pas pour autant. Yannick (mon compagnon) est bien décidé à faire la course avec moi, pour tous les deux ce sera une belle épreuve certes, mais une épreuve difficile. Pourtant, il m'en faudra plus pour m'empêcher de prendre le départ.

Tavignanu Trail, le prologue
Ajaccio, jeudi après-midi. Nous y  voilà, enfin, les vacances ! Après toutes nos péripéties, ma thèse, et tout le tracas quotidien, qu'est ce que ça fait du bien de respirer ce bon air marin, de contempler ces montagnes au loin, lesquelles nous nous pressons de rejoindre. Nous sommes là, sur l'île de Beauté, tous les deux, sur notre petit nuage.


Corte, vendredi, J-1. Même sans une préparation adéquate, il faut croire que ma motivation suffise à me faire gambader telle une gazelle. Le footing de la veille se passe merveilleusement bien, je me sens toute petite au pied de la citadelle de Corte avec vue sur les gorges du Tavignanu et surtout sur les montagnes que nous allons gravir demain. Mon coeur s'emballe dès que je pense au départ. Pourtant, mon enthousiasme va vite en prendre un coup. Yannick a le dos bloqué, il ne peut pas courir. Je sens alors en lui une déception énorme. Et moi, je suis perdue. S'il ne court pas avec moi, que vais-je faire ?

Tant attendu, et tant redouté, le jour J
Samedi, 3h30. Le réveil sonne et nous sort doucement (difficilement) de notre réveil. A peine les yeux ouverts que nous réalisons ce qui nous attend aujourd'hui. Yannick m'affirme que son dos va légèrement mieux et qu'il veut tenter coûte que coûte de prendre le départ. Je ne suis pas d'accord avec lui et je vois bien qu'il souffre. Mais il est têtu, je n'y peux rien, je n'y changerai rien, il fera ce qu'il aura décidé. Le petit-déjeuner englouti à 3h de l'heure de départ, on se recouche une petite heure.

Samedi, 5h. Il est temps de s'apprêter. D'enfiler sa plus belle tenue. D'arborer son plus beau sourire. De s'armer de son courage. Les rues de la petite ville s'éveille doucement au rythme de la course. Les coureurs commencent déjà à trottiner, on sent bien un certain niveau, ce qui nous effraye un peu... Je fais quelques foulées, seule, mon binôme souffrant toujours.

Samedi, 6h30. La musique retentit. De la fumée s'échappe de parts et d'autres du peloton qui s'élance à travers les rues étroites de la ville. Les cuisses ne sont pas en reste, elles sont sollicitées d'emblée. Nous partons très doucement, un peu fonction de Yannick qui a des difficultés à respirer. Quelle tête de mule ce garçon !

Kilomètre 1 à 7 : un kilomètre vertical, ou rien !
Quelques centaines de mètres plus loin, nous nous retrouvons déjà sur un sentier qui grimpe, grimpe et grimpe. Le jour se levant à peine, les montagnes rocheuses sont flamboyantes. Quelle merveille ! Et nous avons le temps de découvrir tout ça car nous sommes partis un peu trop lentement, le sentier ne laisse guère de voie de dépassement et le peloton autour de nous marche constamment. Ce rythme ne déplaît cependant pas à Yannick, qui après 3km dans la douleur jettera finalement l'éponge, me laissant continuer seule.

Je n'arrête pas de penser à lui, à sa tristesse, à sa déception. Mais ça m'encourage, ça me motive à continuer, à finir. S'ensuit une longue ascension où je double une trentaine de coureurs, la plupart me laisse passer, je les en remercie ! Cette ascension, 1400mD+ sur 7km, aura duré un peu plus de 2h.


Kilomètre 7 à 16 : relancer et filer vers la moitié du parcours.
Les cuisses commencent à tirer, ça faisait un moment que je n'avais pas fait 1400m de dénivelé positif. Mais la douleur laisse vite place à un sentiment d'émerveillement sans précédent devant ce magnifique plateau qui s'offre à nous. Je prends même le temps de m'arrêter. De me retourner. De sourire. Et de repartir.

Après une courte, mais technique, descente, nous voilà sur une portion de 5km de chemin, alternant faux plats montants et faux plats descendants. Beaucoup de mal sur cette portion, c'est ici que je paye le manque d'entraînement. J'alterne marche et course, et profite tellement du paysage, un panorama grandiose ! Je profite des ravitaillements uniquement pour remplir mes flasques d'eau. Il ne fait pas trop chaud encore, du moins je n'en souffre pas, et comme (à mon habitude) je n'arrive pas à m'alimenter, je bois.

La descente sur Sega s'amorce, le sentier n'est pas très bien tracé alors il faut rester vigilant. Un autre coureur me rejoint, me suis d'abord puis passe devant pour repérer le balisage. On a tous les deux un bon rythme dans la descente, peut-être un peu trop, le risque étant de casser des fibres avant la deuxième grimpette... mais on se régale ! La végétation basse laisse peu à peu place à une forêt de pins jusqu'au refuge de Sega.


Kilomètre 16 à 22 : grimper, encore.
Les kilomètres se suivent et ne se ressemblent pas ! Nous entamons maintenant la remontée vers le plateau d'Alzu. Une montée pas trop raide, assez facile en fait. Mais tellement difficile d'avancer. Mon compagnon de course est dans le dur aussi et quelques coureurs passent... A ce moment là j'aurais aimé avoir mes bâtons !

Quand je regarde le chrono, je suis plutôt contente, pour le moment je suis, à très peu de chose, dans mon objectif de 6h. Si je ne traîne pas, ça devrait passer.

On serre les dents, on papote, on se motive. C'est dur, mais je pense à Yannick (que je ne peux pas appeler, aucun réseau quasiment sur toute la course), ça me redonne du courage pour donner le meilleur de moi même et franchir cette ligne d'arrivée.

Un trail, c'est un enchaînement d'émotions, de sautes d'humeur et de monologues intérieurs !

Un photographe, des bénévoles, le ravitaillement : nous y voilà, le plateau d'Alzu ! Un des passages que je ne connaissais absolument pas, et bien je ne suis pas déçue, de plus en plus beau ce parcours ! Je ne regrette pas du tout d'être ici, de vivre tout ça. Pourtant, ce n'est pas fini, il reste encore 10km avant de rallier l'arrivée.

Kilomètre 22 à 32 : l'enfer a un nom, le Tavignanu par 42°C
Toujours très motivée et déterminée à en finir, je file vers le fond des gorges à vive allure. Toujours rien mangé. Faut dire, la température commence à grimper, mais pour le moment nous sommes encore à l'ombre. Je suis partie du ravitaillement avant mon compagnon de course, je culpabilise un peu et surtout il me manque déjà, toute seule c'est moins drôle.

Cette descente jusqu'au pont est plutôt agréable, même si les jambes sont déjà bien lourdes. Et puis une première remontée, et une seconde. Outch, que c'est laborieux ! Pour le coup je n'avance plus du tout ! Me voilà en difficulté, et ce n'est pas prêt de s'arrêter... Passée le pont, il reste encore 7km mais alors, 7km en plein soleil, mon relevé Suunto me fait des pics à 42°C ! Vous imaginez ! Une fille originaire de Franche-Comté, ça ne lézarde pas, ça n'a pas tellement l'habitude du soleil.

Les 7km les plus longs de ma vie. Un passage de la course dont je me serais bien passée. Presque 2h pour rejoindre Corte... un long, mais alors très long faux plat descendant avec quelques petites bosses à franchir, le tout sous un soleil et une chaleur de plomb. Assommant et inhumain. Des pauses par ci par là, de l'eau sur la tête, je ne suis plus dans la course et sens l'insolation venir mais à ce point là, hors de question d'abandonner.

Après de longues minutes seule, voici enfin la citadelle de Corte qui apparaît. Je vous assure, ce n'est pas un mirage ! Mais ça y est ! J'y suis ! Incroyable ! Quelques foulées sur le bitume, puis sur des escaliers pavés pour, après une aventure de 6h40, franchir cette ligne d'arrivée. Yannick est là, bien sur. Juste avant l'arche d'arrivée. J'ai envie de pleurer tellement je suis heureuse de le voir.

Samedi, 13h15. Je suis arrivée à bout de ce trail. Le plus beau de tous les trails que j'ai pu faire jusque là. Le plus dur aussi. Que de distance parcourue, de paysages admirés, d'heures à penser et à refaire le monde seule.


Résultats :
Général : 262/495 (440 arrivants)
Scratch femmes : 34/80

Tavignanu Trail : coulisses et conclusion
Aussi long soit mon récit, vous ne savez pas tout. Je ne le savais pas non plus. Mais dans le sac à dos de Yannick, dans l'une des poches, non pas dans son écrin mais dans un petit bout de tissu, se trouvait une bague... Ben oui, faut croire qu'il reste encore des hommes romantiques ! Mais ne pouvant faire sa demande, il s'est rattrapé sur notre plage de "récupération", connue comme l'une des plus belles d'Europe, Rondinara. Au coucher du soleil. A ma grande surprise. Je ne vous en dirai pas plus. Vous vous doutez bien de la réponse :-)


  • Un immense merci à mon fiancé pour m'avoir inscrite à cette course, pour m'avoir encouragée à continuer sans lui et vivre cette aventure
  • Merci à mes parents pour leurs textos que j'ai tous reçu sur la fin du parcours, là où j'en avais vraiment le plus besoin !
  • Et bien sur, UN GRAND merci à tous les bénévoles (et il y en avait !), ceux qu'on voit sur le parcours mais ceux aussi qui travaillent dans l'ombre. Bravo à vous pour cette superbe organisation !

11 commentaires:

  1. Bravo Fanny pour ta performance et félicitations

    RépondreSupprimer
  2. Encore bravo et félicitation ! Le genre de trail que tu ne risque pas d'oublier de si tôt 😉

    RépondreSupprimer
  3. quuuuueeeeee c'essst beeeeeaaaaaaaaauuuuuuuu !!
    Ben oui il reste des hommes romantiques, non mais ho! :D
    Alors, t'as dit quoi?? ahahahahah bon et bien c'est parti la grande aventure!
    Et ce n'est que le début j'espère! biz biz la fannette

    RépondreSupprimer
  4. J'adore ton récit!!!!!!!! Félicitations pour la course.
    Et chanceuse, un homme romantique..... j
    Des bizoux.

    RépondreSupprimer
  5. Un très grand bravo pour cette beau trek et pour ce moment plein d'émotion. Félicitations a vous deux.

    RépondreSupprimer
  6. Bravo et longue vie à votre couple et vous souhaitant tout ce que vous désirez....La montagne vous tient comme l'Amour.

    RépondreSupprimer
  7. C'est magnifique Fanny : une course bouclée sans douleurs, une demande en mariage, un job. Comme quoi, la roue tourne :)
    Profite de tout ce bonheur, bisous

    RépondreSupprimer