17 mars 2020 : Jour 9 - Thorong High Camp (4800m) à Jharkot (3600m)
Aujourd’hui c'est l'étape reine, on va passer le col ! Pour moi, et je crois que pour les autres aussi, c’est vraiment la clé de voûte de cette aventure. Monter à pied jusqu’à plus de 5400m, c’est vraiment quelque chose, et si on ajoute la neige abondante de cette année, ça rend l’aventure vraiment épique.
Levés en pleine nuit. Ce matin, il faut démarrer à 5h.
Autant vous dire qu’il ne fait pas chaud pour sortir du lit ! On a été prévoyant et nos vêtements ont passé la nuit en boule au fond du duvet pour être à température agréable. J’ai la chance d’être plutôt du matin, je suis prêt et me dirige rapidement vers la salle commune pour le petit déjeuner. Le poêle n’est évidemment pas allumé, il fait sacrément froid à l’intérieur… Ce matin les « pancakes » que l’on a d’habitude sont remplacés par un porridge qui nous tiendra mieux au corps pour affronter la difficile ascension qui nous attend. Marion va mieux, elle a bien dormi et a récupéré des forces, mais la mise en route n’est pas facile pour tout le monde et certains ont déjà mal à la tête. Bhakta nous conseille de prendre au moins un demi Diamox. Je me sens bien alors je passe mon tour, je continue aux granules de coca.
Passage par les chambres pour chausser crampons et guêtres, plier les sacs et on est partis !
Il fait bien froid et il faut s'activer pour ne pas figer sur place ! Nous commençons à grimper dans la neige à la lueur de nos frontales. La trace est à peu près faite par les porteurs partis avant nous. Heureusement ! Si le pied se pose à gauche de la trace, on s’enfonce jusqu'aux genoux ! Et à droite, il ne vaut mieux pas y penser, la pente est raide, le dénivelé important. Les pauvres, ça doit être vraiment difficile d’évoluer dans cette quantité de neige. Malgré tout, les crampons sont efficaces et nous progressons relativement bien car la neige est relativement dure. Chacun trouve son petit rythme pour ne pas être trop essoufflé et éviter le mal de tête.
Arrivé à un pont, 100 m au-dessus du camp, je fais une pause pour immortaliser cette atmosphère si particulière à travers une photographie : l'aube approche, la clarté augmente derrière les montagnes qui nous entourent, c'est si beau ! En quelques secondes à peine, j'ai les doigts gelés, je me dépêche et mes mains retournent vite au chaud dans les gants.
L’ascension continue, le soleil apparaît enfin et les premiers rayons qui nous atteignent nous réchauffent comme il faut. A 5000m, nous attendons tout le groupe dans une petite maison qui se trouve là. Tout le monde semble aller bien, même si c'est dur pour certains. Sara, notre petite italienne, est en panique car elle ne sent plus un doigt. Je lui fais immédiatement retirer son gant pour souffler de l'air chaud et le frictionner entre mes moufles polaires. Tout va bien, la sensation revient peu à peu et nous repartons.
Je suis assez bluffé par mes sensations dans cette montée. Certes, je ne vais pas très vite mais je rattrape quand même pas mal de marcheurs, et surtout ma tête me laisse tranquille. Je craignais ce passage très haut car j'avais beaucoup souffert lors de mon dernier trek en altitude, le Salkantay au Pérou où nous étions montés à 4600m d’altitude. Alors que je me fie à l'altitude indiquée par mon GPS et aux indications que j'ai entendues sur les altitudes, il devrait nous rester environ 100m à grimper lorsque j'aperçois le col ! La fin de la montée est plus plane, plus simple, nous y voilà !!
JC est déjà là et fume sa dernière cigarette, Erwan arrive ensuite puis Marion quelques minutes après, avant le reste du groupe avec les guides. Tout le monde est heureux, on se serre dans les bras. Et que dire de la vue qui s'offre à nous : le col est bordé à gauche par le Khatung Kang (6484m), à droite par le Yakgama Kang (6481m) et au fond se détachent les montagnes du haut Mustang. C’est l’heure des traditionnelles photos à côté du panneau du col (enseveli dans la neige !).
Maintenant, place à la descente, car nous ne dormons pas ici !
Avec la descente, l'effort est moindre et je joue un moment à courir, presque, et à me laisser glisser sur la neige. Je ne manque pas de finir quelques fois sur les fesses ! Vers 4000m la descente se fait plus douce et nous arrivons au-dessus de Muktinath, premier village depuis Mamang. Avant d'arriver en ville, nous passons au milieu du temple hindouiste de la ville qui jouxte un temple bouddhiste et un grand Bouddha face à la vallée. Puis nous descendons vers Muktinath, mêlés à la population qui revient du temple. La plupart marchent en sandales sur ce chemin boueux et glissant où ruisselle l'eau de fonte de la neige.
Nous descendons un peu plus bas, au petit village de Jharkot (3600m) où nous passerons la nuit dans un lodge très simple qui nous paraît être le summum du confort après ces dernières nuits. La journée a été longue (17km, 8h de marche) et la panne d’électricité qui affecte le village ne nous incite pas à veiller très tard, je ne suis même pas sûr qu’une partie de carte soit jouée ce soir !
JOUR 10 : JHARKOT (3600m) à JOMSOM (2700m)
Au départ de Jharkot, l'ambiance est bonne, tout le monde a bien dormi, et nous voilà prêts à gravir ces collines enneigées qui nous font face, un itinéraire qui permet d'éviter de marcher sur la route, passage classique des randonneurs. Le soleil brille et les paysages sont toujours grandioses, nous pouvons voir le col franchit la veille, et de l'autre côté le Mustang, magnifique, et le Dhaulagiri au fond qui culmine à 8167m.
Au fur et à mesure que nous grimpons l'épaisseur de neige devient de plus en plus importante. Sahon et Asauk font la trace devant nous, s'enfonçant parfois jusqu'aux cuisses. Alors qu'ils s'engagent dans une petite combe, j'entends Bhakta crier. Je regarde devant et vois Sahon tenter de revenir en arrière en courant, car au-dessus de lui la neige superficielle s'est détachée et dévale la pente, passant finalement à moins de deux mètres de lui. Il a vraiment eu chaud ! La décision est prise : nous ne tenterons pas d’aller plus loin, tant pis. Nous prendrons l’itinéraire par la route.
S'ensuit une descente à grandes et profondes foulées, quelques chutes et roulades qui redonnent le sourire après l'incident évité de peu. Nous finirons donc par la route, vraiment pas drôle, heureusement avec la vue sur le Nilgiri Nord (7061m) !
Nous faisons une pause pour nous restaurer. Et là, c’est le retour à la réalité qui nous tombe dessus tel un coup de marteau sur la tête. La couverture réseau retrouvée, tout le monde commence à recevoir des messages sur la situation en France, et Bhakta reçoit un appel de l'agence. Progression de l'épidémie de Covid-19, mesures de confinement et… retour le plus vite possible...
Deux longues heures de marche sur une piste large et pénible, en plein vent, nous amènent à Jomsom (2850m), notre ultime étape donc.
Notre trek s’arrête là. Nous étions pourtant tellement bien, là, dans la montagne, loin de tout ça !
Nous avons parcouru environ 110km en 8 étapes sur les 14 au programme initialement. Le tour complet, de Besisahar à Birethanti se fait en une vingtaine d’étapes, selon le rythme de marche bien évidemment. L’altitude a rendu difficile la marche depuis avant Letdar jusqu’au col, dès qu’on est passé au-dessus de 4000m en fait. En dehors de cette difficulté, c’est un trek qui se fait sans trop de problème, les étapes sont relativement courtes pour permettre une bonne acclimatation et les chemins ne sont pas techniques, surtout si on enlève la neige, peu présente normalement durant les périodes de trek (mars-mai et septembre-octobre).
J’ai vu peu de balisage sur les chemins mais la neige recouvrait tout. Plusieurs marcheurs croisés après Manang le faisaient sans guide ni porteur, il ne doit donc pas y avoir de grosse difficulté d’orientation.
JOUR 11 : JOMSOM A KATMANDOU
Situation surréaliste, retour en France.
Alors que nous attendons l'avion qui doit nous ramener à Pokhara, nous apprenons qu'après deux rotations il arrêtera de voler aujourd'hui, problème technique... Les 25 minutes de vol sont donc remplacées par... 7h de 4x4, sur une piste défoncée, affleurant parfois le précipice. C'est sportif et ça nous offre malheureusement un aperçu des paysages verdoyants dans lesquels nous aurions dû terminer ce trek.
Quelques momos réconfortant avalés à Pokhara et c'est reparti pour 6h de bus. Nous arrivons exténués à Katmandou, il est 2h du matin. La plupart du groupe part dès le matin, nous sommes seulement deux à repartir le jour suivant. Les adieux se font très (trop) vite, tout le monde est fatigué et bien déçu de terminer cette aventure de cette manière !
JOURS 12 et 13 : KATMANDOU ET RETOUR
Le lendemain me permet de découvrir un peu la ville de Katmandou. Une ville grouillante, bruyante, polluée... Mais parfois au détour d'une rue, évitant les scooters trop nombreux on tombe sur une petite place calme avec un temple tout en dorures ou un stupa avec des yeux hypnotisant.
Perché en haut d'une colline, le site de Swayambunath offre une vue panoramique sur la ville, recouverte d'une brume de pollution grisâtre... Cet ensemble de temples est envahi de singes qui, quand ils ne se battent pas, jouent dans les drapeaux à prière ou à glisser sur le dôme des stupas.
Ce séjour népalais s'achève sur une note de déception et d'amertume. Nous n'avons pu faire qu'un demi-tour des Annapurna et nous n'avons même pas pu contempler le plus haut d'entre eux avec ses 8091m d’altitude. C'était tout de même une très belle aventure et en revoyant les photos je me rends vraiment compte de la chance que nous avons eu de la faire dans ces conditions. Les chutes de neige nous aurons, certes, empêché d'aller vers le lac Tilicho mais elles ont sublimé les paysages et rendu la chose encore plus épique.
J’ai beaucoup appris sur le matériel et l’équipement pour mes prochains treks, et nul doute qu’un nouveau projet va voir le jour rapidement dans ma petite tête de randonneur.
Aucun regret donc, et s’il faut finir ce tour et aller voir cet Annapurna I, eh bien je reviendrai !
Merci Vincent pour cette très belle aventure ! Je ne dois pas être la seule à pouvoir dire que l'Himalaya est un très beau rêve pour une passionnée de Montagnes comme moi. Un jour je l'espère...
A bientôt,
Fanny
Tres beau recit !Il faudra y retourner pour finir ce trek ! et , même si les panneaux indicateurs étaient cachées par la neige, le chemin est très bien balisé ! Donc en autonomie ! Et si tu repasses par Manang , fais toi une sceance de cinéma en dégustant un yackburger , ça changera du dal baht ! Merci pour ton récit !
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